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L’institut Sainte-Elisabeth (1914-1919)

Des contacts avec le Service Archives de la Congrégation des Sœurs Missionnaires de l’Evangile (Angers) nous ont permis de prendre connaissance d’une intéressante chronique rédigée de 1914 à 1919 par une religieuse présente à Rixensart durant cette période. Il s’agit de Sœur Julienne-du-Sacré-Cœur (Maria Van t’Veld) qui s’occupait de l’économat de la maison d’éducation. Des extraits de cette chronique permettent d’évoquer différents aspects de la vie quotidienne de la Communauté Saint-Charles à l’intérieur de l’Institut Sainte-Elisabeth

L’INSTITUT SAINTE-ELISABETH  à Rixensart (1914-1919)

Origines

L’Institut Sainte-Elisabeth, consacré à l’Enfance souffrante, est établi  en 1842 à Ixelles  puis transféré en 1913 à Rixensart. (1)

C’est en 1912 que Monsieur Campioni, juge de paix, président du Tribunal de police de Bruxelles, demande aux Sœurs de Saint-Charles de Jette des religieuses pour une Maison hospitalière à Rixensart. Il s’agit d’une institution  pour enfants de santé précaire.

De nouveaux bâtiments sont en construction à Rixensart, « à une demi-heure de chemin de fer de Bruxelles, en pleine campagne, à côté d’un bois de sapin ». Une chapelle sera desservie par un aumônier. Un jeune médecin est désigné : « le Docteur BORREMANS, sorti de l’université de Louvain et envoyé un an en France et en Allemagne pour se perfectionner dans l’art orthopédique ». (2)

Des visites des lieux en travaux sont organisées en avril et mai 1913. L’ouverture est fixée en octobre 1913. Cette « clinique pour enfants curables et incurables mais améliorables » est prévue pour accueillir une centaine d’enfants.

Le 22 juin 1914, six  sœurs de la Communauté de Jette arrivent à Rixensart. Elles sont aidées par deux « petites servantes ». (3) Mais les religieuses doivent constater que « les travaux ne sont pas terminés, l’eau n’est pas encore dans la maison ni le système d’écoulement des eaux. Il y a encore une trentaine d’ouvriers. Nous étions sans lumière…sans eau également. Il n’y avait rien ou presque rien de tout à fait fini ».

Dix-huit petits malades étaient attendus le 18 août mais, à partir du 4 août, les travaux sont suspendus avec le début de la première guerre mondiale. « Les ouvriers ont laissé les travaux inachevés pour partir comme volontaires ou appelés ».

Une histoire mouvementée

L’Institut est, dès lors, transformé en ambulance provinciale. On place sur le toit un immense drapeau de la  Croix-Rouge et les religieuses portent également un brassard avec  une croix rouge. Elles organisent un cours de bandages. « De tous les points de Rixensart, on voyait les Dames et les Demoiselles se diriger vers l’Institut pour apprendre à soigner les blessés ».

Du 20 août au 23 octobre 1914, l’Institut sera contraint d’accueillir et soigner des militaires allemands blessés. Madame Paul Terlinden, épouse du bourgmestre de Rixensart, ainsi que sa fille, s’installent à l’Institut et « aident à soigner les Allemands. Mme Terlinden connaissant l’allemand devint notre interprète ». (4)

« Au rez-de-chaussée, nous avions un grand dortoir qui a été plein d’Allemands blessés presque tous protestants. Nous étions sous les ordres des médecins allemands arrogants Le samedi il fallait passer la serpillère partout…Les religieuses de Champion venaient un peu nous aider après leur classe. (5) Arrivaient chez nous les enfants, les vieillards, les infirmes…qui se sentaient en sûreté chez nous… Nos provisions s’épuisaient. Nos petits lits d’enfants pliaient avec ces gros hommes… »

Durant les années de guerre, les religieuses témoignent des difficultés traversées. « Nous dormions mal au bruit du canon qui grondait sans arrêt… Nous avons eu faim et avons fait bien des kilomètres pour trouver du pain ». Quatre fois par semaine, il faut se rendre à pied à Bruxelles (13 km) pour se procurer de la viande,  des médicaments… Les sœurs se procurent un attelage avec un âne  pour se ravitailler à Wavre, Limal, Profondsart…  Les perquisitions les obligent à trouver des cachettes notamment sous l’autel de la chapelle (cuivres, farine, sucre…).

Le 21 avril 1915, les sœurs reçoivent une convocation pour aller chercher à Bruxelles « treize petits orphelins et réfugiés dont les parents avaient été fusillés ou l’habitation incendiée ».

Le 2 juin 1915, des jeunes filles de justice (30 à 40), qui ont besoin d’air, sont placées par le Gouvernement à Rixensart.  Elles partiront le 21 novembre 2016 dans d’autres maisons d’éducation.

Fin 1916, le Comité Hispano-Néerlandais transforme l’établissement en sanatorium de colonies scolaires d’enfants débiles. En novembre,  la déportation en Allemagne des hommes de 18 à 55 ans cause un grand émoi dans la population. Un certain nombre de déportés « moururent de faim, de froid ou des suites des mauvais traitements ». D’autres reviendront très affaiblis. (6)

En janvier 1917, l’Institut se transforme en Asile de grand air et de suralimentation pour enfants débiles des populations rurales. Tous les deux mois une nouvelle colonie est accueillie. Ces enfants, qui avaient dû séjourner dans les abris, étaient originaires des 9 provinces.

« Ils étaient  fort nombreux, quelques-uns atteints de vermine, de la gale et autres. Il fallait beaucoup d’hygiène….On faisait du pain 3 fois par semaine 2 fournées le même jour et 29 pains chaque fournée. Le lavage, le repassage, le raccommodage, tout se faisait à la maison ». A l’Institut, on utilisait des peaux de veau tannées pour faire des chaussures, on fabriquait du savon… « Le Comité National fournit des vêtements, chaussures, mercerie, jeux…»(7).

Des sœurs des communautés de Statte et de Bouillon  sont appelées en renfort. Les enfants américains envoient des tonnes de sucre d’orge, chocolat, biscuits… Toutefois, en avril,  la moitié des enfants devra quitter l’Institut de Rixensart car, le 18 de ce mois, l’Institut accueille l’hôpital évacué d’Hénin-Liétard (Hôpital des mines de Dourges) « avec ses 8 infirmières, ses 8 religieuses (Sœurs de Saint-Joseph de Cluny), le médecin de l’hôpital et ses nombreux malades et blessés. Trois malades succombèrent en arrivant chez nous….Il fallait serrer nos enfants pour faire place à cet hôpital qui prenait beaucoup de place …Une pièce pour une cuisine à eux, un grand dortoir pour leurs malades, une pièce pour les docteurs quand ils venaient voir leur malades…Ils s’en allaient au Lac de Genval pour y manger et dormir ».

Le personnel de cet hôpital français est rapatrié en septembre mais de nombreux réfugiés ne partiront qu’en décembre 1917-janvier 1918.

En 1918, un rapport note que près de 200 enfants belges et 7 français « profitent de la suralimentation. On évoque la situation merveilleuse de l’établissement qui est entouré de sapinières d’où s’exhale l’antiseptique souverain que les enfants respirent à pleins poumons ».

Les distractions sont nombreuses : balançoires, trapèzes, longues promenades chaque jour, jeux, bibliothèque, soirées récréatives (saynètes dramatiques et comiques accompagnées de piano et phonographe, séances de projections lumineuses chaque semaine).(8)

Mais une nouvelle épreuve va frapper l’Institut. En effet, le 21 octobre, près de 80 réfugiés du Nord  de la France y sont accueillis. Il s’agit, pour la plupart, de vieillards n’ayant plus de résidence et de famille en France. « Dévorés de vermine, poux de tête, de corps… Les pauvres malheureux n’avaient aucun rechange, surtout en vêtements. Deux en perdirent la tête ».

En urgence, deux cents enfants doivent être évacués, par wagons, vers Bruxelles. L’Institut Sainte-Elisabeth se transforme en hôpital improvisé pour malades de la grippe « espagnole » et réfugiés. Parmi les 112 personnes hospitalisées, 40 décèderont ! On comptera une centaine de tombes de réfugiés français à Rixensart. « Toutes bien alignées, bien arrangées portent sur la croix le drapeau tricolore ». (9)

Par ailleurs, les 28 et 29 octobre, les religieuses viennent en aide à  des jeunes gens du Nord (16, 17, 18 ans), prisonniers emmenés en captivité, épuisés par leur marche forcée.

La nuit du 10 au 11 novembre 1918, veille de l’Armistice, un  bombardement aérien allié, qui vise une  villa  occupée par général allemand, fait exploser les vitres de bon nombre d’habitations rixensartoises.

Pendant  une quinzaine de  jours, des  centaines de soldats allemands, en retraite, campent en face de l’institut. « En 1914, ils passaient la tête haute, gonflés d’orgueil, tandis qu’en 1918, ils se traînaient en files lamentables ».

Après la libération, des Canadiens et des Ecossais s’installent dans la région pour plusieurs mois. Une salle  de l’Institut va accueillir « une centaine de soldats (qui)) venaient prendre des cours de français ».

Le 30 juin 1919. Les  derniers réfugiés du Nord de la France, présents à l’Institut, sont placés dans un hospice à Bruxelles « car, le 2 juillet, nous fermions l’Etablissement, étant rappelées en France par nos Supérieurs ». Les archives de la Congrégation mentionnent le nom de 11 religieuses qui ont été présentes à Rixensart entre 1914 et 1919.

Une page se tourne…

Le 18 août 1919, l’Institut médico-pédagogique de Rixensart est créé par l’Oeuvre Nationale de l’Enfance.  Il sera dirigé par une directrice laïque assistée par du personnel laïc. (10)

Dès 1920, 108 enfants irréguliers, répartis en 8 classes, sont accueillis pour un séjour de quelques jours à cinq ans. Il s’agit, dès lors, d’un  établissement d’instruction pour anormaux éducables par une adaptation des méthodes et du matériel pédagogique.

Colette PINSON

Fonds d’Histoire locale de Rixensart

  1. A l’origine, en 1842, l’Institut est fixé à Ixelles, 63 rue du Conseil. L’Institut Sainte-Elisabeth  de Rixensart est, depuis 1997, le centre FEDASIL .

  2. L’Institut Sainte-Elisabeth  deviendra, dans un deuxième temps, l’Institut BORREMANS.

  3. Il s’agit notamment de Marie Lambert, née à Bierges en 1900 qui deviendra religieuse en 1922 sous le nom de Sœur Marie-du-Carmel.

  4. Valentine Bosquet (1862-1941), épouse de Paul Terlinden (1858-1935) et mère de Marie-Valentine Terlinden (1891-1960), épouse de Coninck de Merckem.

  5. Les Sœurs de la Providence de Champion dirigeaient, depuis 1860, l’école primaire des filles Sainte-Agnès de Rixensart.

  6. Une soixantaine ( ?) de Rixensartois furent déportés en Allemagne. Les noms de huit d’entre eux, décédés des suites de la déportation, figurent sur le Monument aux morts de Rixensart.

  7. Il s’agit sans doute du Comité de Secours et d’Alimentation créé  dans chaque province en 1914.

  8. Un registre d’octobre 1918  mentionne un total de  2741 enfants (séjour de 2 mois).

  9. Ces tombes ne sont plus présentes au cimetière de Rixensart.

  10. La première  directrice sera Eugénie Monchamps (1882-1955).

 

Note : description de l’Institut selon un rapport de 1918

Vaste immeuble comprenant un corps de bâtiment et deux ailes. Un lazaret est annexé en cas de maladies contagieuses. Rez-de-chaussée : sur le devant, 2 grandes salles (réfectoire et salle de jeux), en arrière, cuisine, parloirs, bureau du docteur… Une aile avec la chapelle, l’autre avec lavatorys, 8 salles de bain (bains complets toutes les semaines) et 3 salles de bains de pieds (bains de pieds journaliers) Un étage : dortoirs, lingerie, salles de bains et lavatorys. Salle d’opération avec cabinet de pansements et salle de plâtrage. 225 fenêtres, (dont il a fallu bleuir toutes les vitres pendant l’occupation !) ce qui permet un aérage hygiénique. Places grandes, claires… Visite du médecin hebdomadaire.

 

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